Le Chrisme
Monogramme photographié par mes soins sur un autel, au musée des thermes de Cluny.

Chrisme

Ce symbole est appelé "monogramme du christ" dans le mysticisme chrétien. D'après la légende, l'empereur Constantin Ier le Grand l'avait vu en songe, avec la devise :


  Triomphe par ceci, traduite en latin In hoc signo vinces, juste avant sa victoire décisive sur Maxence en 312.
 

Le monogramme ci-dessus comporte en prime l'et l', l'n'ayant pas survécu aux ravages du temps, ainsi qu'un triple tour de corde, que je pense signifier la doctrine suivante : "Les trois mondes sont enroulés l'un dans l'autre, pour ne faire qu'un, chaque extrémité de la corde s'évanouit dans l'éternité", ou plus simplement : la trinité. Pour en revenir à l'et l', si l'on pense immédiatement à une référence à l'Apocalypse de Jean, et ainsi en était-il certainement dans l'esprit du sculpteur, je vais montrer que ce symbole remonte à une plus haute antiquité.

Chrisme dans un cercleChrisme dans un carré

Le Labarum : Sur ma photo, le chrisme est inscrit dans un cercle, mais on le trouve aussi parfois inscrit dans un carré, ou bien dans rien du tout. Eliphas dit dans son Dogme de la Haute Magie, que l'axiome incommunicable du Grand Œuvre est renfermé, entre autres, dans le monogramme du Christ tel qu'il était brodé sur le Labarum (l'étendard de Constantin).

Il semble qu'Eliphas considère le monogramme qu'il donne à gauche dans la figure du Grand Arcane (avec la mention TARO), comme étant celui-même du Labarum, quand tout porte à croire qu'il en soit seulement un dérivé.

Tentons de faire le point : le Labarum original, fabriqué selon les directives de l'empereur le jour suivant sa vision de la "croix de lumière", est décrit par Eusèbe de Césarée (Vita Constantini 1:26) comme constitué d'une longue lance d'or, formant avec une barre transversale le dessin d'une croix. Au sommet de l'ensemble était fixée une couronne d'or et de pierres précieuses, avec en son centre le symbole du nom du Sauveur : les initialeset entrelacées. La bannière fixée sur la barre transversale était carrée et de couleur pourpre, richement brodée d'or et de pierres précieuses, offrant aux yeux un spectacle d'une beauté ineffable. Elle portait l'inscription grecque "EN TOUTO NIKA", que l'empereur avait vue précédemment en songe. Cinquante soldats de la garde impériale, s'étant distingués par leur piété et leur courage, avaient en charge la protection du nouvel étendard sacré. Donc si l'on en croit Eusèbe, pour ce qui est du Labarum original, le monogramme ne figurait pas sur l'étendard, mais sur le porte-étendard, et il s'agissait de la version inscrite dans un cercle. Plusieurs exemplaires du Labarum furent ensuite fabriqués pour que chaque légion puisse en posséder un. Les monnaies de l'époque qui nous sont parvenues attestent de plusieurs variantes, et c'est sans doute à l'une de ces variante que se réfère Eliphas Lévi.

Eusèbe nous apprend aussi que le monogramme avait été gravé sur les boucliers des soldats, avant la bataille du pont Milvius. D'autres traditions (Lactance) rapportent que le symbole porté sur les boucliers était XXX, signifiant une promesse de trente ans de règne. Je dis : peu vraisemblable. En 310, Constantin aurait déjà eu une première vision, à Grand, dans les Vosges, avant de se rallier au culte solaire d'Apollon. Au vu de la confusion des récits historiques, on peut raisonnablement penser que le chrisme puisse avoir au départ une origine solaire, et résulter d'un certain syncrétisme pagano-chrétien (cf. aussi plus bas ce que dit H.S. Lewis).

Homme en prière et colombe Pierre et Paul
A gauche, Homme en prière avec colombe, et chrisme; à droite, Pierre et Paul représentés avec un chrisme : sarcophages IIIème et IVème siècles.

Eusèbe ne dit pas si le chrisme du labarum comportait ou non l'et l', de façon à former en bas une barre de T pour que l'on puisse le lire, comme Guillaume Postel, TAROT. Des chrismes semblables à ceux que j'ai dessinés ont cependant été attestés pour la même époque, voire pour des époques antérieures.

Allons plus loin :

Osiris : D'après Harvey Spencer Lewis (La vie mystique de Jésus), ce symbole fut utilisé bien avant que le christianisme ne l'adopte : c'était le monogramme original d'Osiris. L'Encyclopédie Catholique Romaine considère que leet lesont les premières lettres du mot (signifiant "christ" ou "oint", celui qui a reçu l'onction divine), mais reconnait que ce symbole était utilisé bien avant l'ère chrétienne.

Le schéma de Hawking : un chrisme moderne ? Les sages de l'antiquité professaient que la Lumière Astrale ou Akasha, qui emplit tout, était en un sens l'espace lui-même, infini et sans bords. Cela rejoint tout à fait la théorie de Hawking, éminent astrophysicien du XXème siècle, pour qui l'univers serait pareillement infini et sans bords.

Schéma de Hawking
Ci-contre, schéma extrait de Une brève histoire du temps, par Stephen W. Hawking.

L'et l', placés sur l'axe temporel, de part et d'autre du point "événement présent", compléteraient le schéma (basculé à l'horizontale) de façon intéressante, et je note au passage que l'on retrouve leet ledans les mots (lieu) et (temps).

Le temps est une propriété de l'espace, et pour cette raison les astronomes utilisent le terme d'espace-temps. Selon Hawking, la lumière d'un événement forme un cône à trois dimensions dans l'espace-temps, qu'il appelle "cône de lumière future"; l'ensemble des événements dont la lumière peut atteindre l'événement présent étant appelé "cône de lumière passée". D'après H.P. Blavatsky, l'Akasha (l'espace-temps de nos savants modernes) est comme un livre contenant l'enregistrement intégral de tout ce qui a été, est, et sera.

Certains préfèrent utiliser dans ce cas le terme archives akashiques, pour signifier qu'il parlent d'une propriété de l'Akasha en particulier. Les moindres actes de notre vie y sont imprimés, et même nos pensées demeurent photographiées sur ses tablettes éternelles. C'est le "Livre de vie" ouvert par l'Ange de l'Apocalypse, en un mot, c'est la mémoire de Dieu.

Ces archives de lumière rendent possibles les phénomènes de voyance. On pourra dire cependant que le voyant qui "prédit" l'avenir est en réalité un être très intuitif, qui ne fait que déduire l'évolution la plus probable d'une situation présente qu'il ressent. Cette théorie est valable, mais de nombreuses expériences de parapsychologie, réalisées avec toute la rigueur scientifique qui s'impose, tendent à prouver qu'il est possible pour certains voyants de prédire avec marge d'erreur très faible des événements pourtant a-priori aléatoires. Le schéma pourrait donc être interprété différemment de l'explication qu'en donne son auteur : un événement présent se répercute aussi bien vers un avenir, que vers un passé.
En to pan

Cette idée, difficile à concevoir et très paradoxale, diffère de la doctrine du déterminisme : tout n'est pas nécessairement "écrit d'avance", mais en revanche les distinctions temporelles doivent être considérées comme éminemment relatives.

Car un niveau supérieur, passé, présent, et avenir se confondent, puisqu'en définitive Tout est Un.

Ci-contre, figure traditionnelle de l'Ouroboros, ou serpens qui caudam devoravit. "EN TO PAN" signifie "Un le Tout".


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